lundi 16 juin 2008

Petit bonhomme a l'oeil triste

J'ai vécu un très beau moment la semaine dernière. Cela a duré tout au plus 15 minutes. J'occupe le local de retrait d'élèves dans une école primaire de Montréal. Le moment s'est déroulé avec cet enfant: (texte écrit il y a 2 mois environ, avant l'existence du blogue)

C'est un petit garçon. Il a six ans. Il parle très bien l'anglais, moins bien le français mais il le comprend très bien.Il habite avec sa mère et son grand frère. Il aime les calins, il aime jouer, il aime les sourires sur les lèvres des adultes. Il est beau. Un beau petit bout couleur chocolat au lait avec des petits yeux tristes au-dessus de son sourire. Des yeux tellement tristes, tellement lourd a arracher le coeur d'un adulte. Il crie son désir d'entrer en interaction avec des adultes comme un enfant comme lui peut le faire: il frappe ses camarades, tire les cheveux, fait des doigts d'honneur, dit le mot en f..., il laisse traîner tout son matériel, n'attache pas ses lacets, met ses chaussures a l'envers. Un enfant comme cela, c'est un TC(jeune avec des troubles du comportement, qualification très administrative) dans une école. Dans la réalité c'est un enfant qui a manqué de sécurité affective, un jeune condamné a l'errance affective.
C'est la mère du petit garçon. Elle a l'air très jeune, environ 23-24 ans. Elle ne sourit pas. Elle ne parle pas. Elle dit oui, elle dit non, quand ce n'est pas seulement un hochement de tête. Elle ne parle pas de son fils. Ce n'est pas une mauvaise mère, elle est comme cela, c'est tout.
Ce matin il y avait l'enseignante, la psychoéducatrice et moi en rencontre avec la mère. Nous lui avons fait part de l'intérêt pour le petit a être inscrit en classe de trouble de comportement. La rencontre a été bouclée et signée en 13 minutes. Pas de question, on aurait pu l'inscrire dans une classe pour enfant sourd qu'elle aurait signé. Cet incident et cet enfant me rentre dedans beaucoup, je me sens complètement inutile face a ses enfants qui ne savent ce que c'est que d'être en sécurité, qui ne connaissent pas l'amour inconditionnel d'un parent. Cet enfant est condamné a l'âge de six ans. Il ne sera jamais heureux. Au pire il sera bourré de pilules et sera trop stone pour comprendre qu'il était condamné a six ans.

Cet enfant, quand il fait des crises, c'est pour avoir de l'attention. Il était dans mon bureau ce matin la car il n'avait pas fini son alphabet et ses chiffres. Dans mon bureau, je gardais une distance physique, étant assis a mon bureau et lui a son pupitre. Il a pleuré longtemps, ce n'était pas la meilleure intervention. Lorsque je me suis approché et que j'ai commencé le travail en main sur main avec lui, il s'y est mis rapidement et avec application. Puis il a travaillé seul, je le regardais par dessus son épaule, il me souriait de temps en temps. J'ai partagé des morceaux de pamplemousse avec lui, il travaillait et nous étions bien, lui content d'avoir de l'attention, moi d'avoir le contact adéquat pour l'avoir ramener. Peu après, alors qu'il était a la cafétéria et que j'étais seul a mon bureau, j'ai capté que ce dont il a besoin, ce n'est pas d'une ensigante et de vingt camarades, il a besoin d'affection, et de proximité.
J'espère avoir eu les mots assez juste sur ce billet pour être compréhensible.

3 commentaires:

Mme Marie-Andrée a dit…

L'une des choses qui me tue le plus dans notre travail avec les enfants, c'est de les voir si seuls, si jeunes. L'enfance est censée être la plus belle période de notre vie et ça me fend le coeur chaque fois que j'ai un élève comme celui dont tu parles. Des vies hypothéquées parce que certaines personnes font des enfants sans leur procurer l'amour dont ils ont besoin. Et notre système qui les isole et les catalogue, renforçant en eux l'impression qu'ils ne valent pas grand-chose. Paul Piché avait raison quand il disait: «Je vous apprend rien quand je dis qu'on est rien sans amour, pour aimer le monde, faut savoir être aimé».


p.s.: Je reviendrai te visiter, j'aime bien ton blogue.

L'ensaignant a dit…

Cher Mme Colère,

la réalité que vous décrivez si bien dans votre billet est là, hélas, toute là. Mais de voir un(e) adulte tel(le) que vous réussir à créer le lien qui permettra pour cet élève de devenir différent, ne serait-ce que l'espace d'un moment, en ayant l'attention qu'un jeune de son âge a besoin, me fait croire en l'avenir des intervenants en milieu scolaire.

Au plaisir.

Marie... a dit…

Je crois que tu as bien su mettre les mots sur une réalité difficile à décrire. J'espère que tu réussiras à allumer une étincelle dans les yeux de cet enfant. Car s'il y a une chose que j'ai apprise durant mon parcours scolaire, c'est que les intervenants que nous rencontrons sont beaucoup plus que des gens qui nous apprennent à lire, écrire et compter. Ce sont des personnes qui nous apprennent à nous connaître, à avoir confiance en nous, ils nous apprennent la vie finalement. J'ai un profond respect pour les gens qui travaillent dans le domaine de l'éducation, c'est réellement une vocation. Certains enseignants ont eu plus d'influence sur moi que d'autres, on ne peut pas connecter avec tout le monde, mais je sais que chacun d'eux m'a apporté quelque chose que je ne soupçonne peut-être pas encore. Continue d'espérer, c'est à force de faire des petits pas qu'on peut aller vers l'avant.

J'ai pris le lien sur le blog d'en seignant, car il a parlé de toi dans son billet. Je reviendrai te visiter!